L’employeur peut être tenté de mettre à pied un salarié dans deux cas de figure différents :
– pour infliger une sanction disciplinaire sans aller jusqu’au licenciement,
– pour éloigner le salarié de son poste de travail le temps de mettre en œuvre une procédure de licenciement pour faute grave.
Dans un cas comme dans l’autre, l’employeur doit être particulièrement vigilant ; comme souvent en matière de droit du travail, les embûches sont nombreuses.

I – LA MISE À PIED DISCIPLINAIRE, UNE SANCTION STRICTEMENT ENCADRÉE

Face à la commission d’une faute justifiant le prononcé d’une peine plus grave que le simple avertissement sans que le licenciement ne soit, à ce stade, envisagé ou envisageable, l’employeur est souvent tenté de mettre à pied son salarié pendant plusieurs jours. Le salarié va être ainsi privé de son salaire, tout en restant salarié de l’entreprise, ce qui peut, le cas échéant, l’amener à modifier son comportement fautif.

Deux types d’erreurs sont cependant fréquemment commis par l’employeur :
– le non-respect de la procédure applicable
– le prononcé d’une sanction non prévue par le règlement intérieur.

1/ Existence d’une procédure spécifique

La mise à pied disciplinaire est une sanction grave puisqu’elle affecte la rémunération du salarié. Elle doit donc être précédée d’un entretien préalable.

  • La première étape consiste donc à convoquer, par écrit, le salarié à un tel entretien. Le courrier de convocation doit préciser l’objet de l’entretien (indiquer qu’une sanction est envisagée), la date, l’heure et le lieu de l’entretien et rappeler la possibilité de se faire assister par un collègue de travail (l’assistance d’un conseil extérieur est réservée à l’entretien préalable au licenciement) ; contrairement au licenciement, il n’existe pas de délai légal mais la jurisprudence impose un délai suffisant entre la convocation et l’entretien, afin de permettre au salarié de préparer sa défense et de se faire éventuellement assister.
  • Au cours de l’entretien, l’employeur doit exposer ses griefs au salarié et recueillir ses explications.
  • La sanction disciplinaire doit enfin être notifiée au moins deux jours ouvrables après l’entretien préalable et dans un délai maximum d’un mois (article L1332-2 du code du travail). Ex : Si l’entretien a lieu le mardi, le courrier de mise à pied ne peut être expédié avant le vendredi.
    Attention : la Convention collective peut prévoir des dispositions spécifiques.

2/ Licéité de la mise à pied

Selon la jurisprudence, une mise à pied disciplinaire ne peut être prononcée, lorsqu’un règlement intérieur existe au sein de l’entreprise, que si cette sanction est prévue par ce règlement ; en outre, la sanction n’est licite que si le règlement intérieur précise la durée maximale d’une mise à pied disciplinaire (peu important que la Convention collective pallie cette carence ; voir la décision rendue par la Chambre sociale de la Cour de Cassation le 7 janvier 2015, n° 13-15630).
Attention : Si le seuil d’effectif de l’entreprise rend l’adoption d’un règlement intérieur obligatoire et qu’aucun règlement intérieur n’existe, l’employeur ne peut donc infliger aucune mesure de mise à pied disciplinaire à ses salariés…
NB : Naturellement, la mise à pied ne devra pas être infligée si les faits ont été portés à la connaissance de l’employeur depuis plus de deux mois et sont donc prescrits.

II – LA MISE À PIED CONSERVATOIRE, UNE MESURE ENFERMÉE DANS CERTAINS DÉLAIS

La logique de la mise à pied conservatoire est totalement différente : il ne s’agit plus de sanctionner un salarié, mais de le mettre provisoirement à l’écart dans l’attente d’une décision sur un éventuel licenciement pour faute.

Il s’agit donc d’une mesure d’attente. En général, une mise à pied conservatoire est prononcée lorsqu’un licenciement pour faute grave ou lourde est envisagé. Cela n’est cependant pas obligatoire : un licenciement pour faute grave peut être prononcé même s’il n’a pas été précédé d’une mise à pied conservatoire. À l’inverse, une mise à pied conservatoire peut, au final, être suivie d’une sanction moindre (voire d’aucune sanction, même si cela peut soulever d’autres problèmes, en matière de management des salariés) : dans ce cas, le salaire pendant la mise à pied doit être versé.

Le principal écueil à éviter pour l’employeur est de convoquer son salarié trop tardivement à un entretien préalable. Pour que la mise à pied puisse valablement être qualifiée de conservatoire, la procédure disciplinaire doit être engagée à très bref délai.

Un délai de 6 jours a été jugé trop long par la Cour de Cassation (Chambre sociale, 30 octobre 2013, n° 12-22962) ; un délai de 3 jours a par contre été validé (26 mai 2010, n° 08-45286).

Si le délai entre la notification de la mise à pied conservatoire et l’engagement d’une procédure disciplinaire est trop long, la Cour de Cassation considère en effet que la mise à pied n’est pas conservatoire mais disciplinaire. Or, un même fait fautif ne peut être sanctionné deux fois. La sanction, en cas de licenciement pour faute mené jusqu’à son terme, est implacable : le licenciement consécutif à une mise à pied disciplinaire est dépourvu de cause réelle et sérieuse puisqu’il constitue une seconde sanction des mêmes faits fautifs…

Il est naturellement préférable de rédiger un courrier unique convoquant le salarié à entretien préalable et lui précisant qu’il est mis à pied à titre conservatoire, pendant la durée de la procédure.

En conclusion, la mise à pied, quelle que soit sa nature exacte, est une mesure à manier avec précaution et il est fortement recommandé de recourir aux services d’un professionnel pour la mettre en œuvre.